tribune pour une éducation en phase avec son temps
Faisons entrer le bullshit à l’école !

Notre société ne cesse d’évoluer, suscitant des inquiétudes légitimes au sein de la population : combien d’entre nous resteront sur le carreau, incapables de prendre en marche le train du progrès, dont la vitesse ne cesse d’accélérer ? Face à cette angoisse de l’avenir, certains seront tentés de se replier sur eux-mêmes et militent pour un retour en arrière qui ne dit pas son nom. Dans ce cadre, l’école est un terrain d’affrontement pour l’opposition qui sépare ceux qui veulent aller de l’avant de ceux qui souhaitent faire marche-arrière : faut-il enseigner le code informatique aux enfants ou juste leur interdire d’utiliser Wikipédia ? Faut-il sensibiliser les écoliers à la complexité de l’Histoire humaine ou au contraire les bercer avec une rassurante propagande patriotique ? Faut-il enseigner les méthodes et la philosophie de la recherche scientifique, ou juste terroriser la jeunesse avec un enseignement des mathématiques taillé sur mesure pour la tournure d’esprit de seulement 5% des élèves ? Instruire réellement et utilement, au risque du vertige, ou bien se contenter de répéter les mêmes gestes sans jamais réfléchir ? Chaque méthode a son intérêt, il n’y a pas de mauvaise solution a priori, alors nous proposons de sortir des cadres habituels et se pencher sur ce qui peut réconcilier tout le monde : le bullshit !

Bullshit ? Au pays de Descartes, le mot a mauvaise réputation, car les français sont craintifs et se méfient des anglicismes comme de la peste, et, pour cette raison, le secteur du bullshit est souvent victime d’incompréhension et de rejet. Il progresse pourtant imperturbablement dans la presse, la politique et bien d’autres domaines.
Nous ne ferons pas à nos lecteurs l’injure de fournir une définition de ce mot : il suffira à chacun de savoir qu’il est à la mode et notamment en Amérique. La France doit-elle rester à la traîne alors que les Gafa sont partout ? Ah non alors !

Ne nous y trompons pas : l’objectif de l’enseignement que nous proposons de mettre en place n’est pas de faire que nos enfants deviennent éditorialistes dans la presse magazine ni qu’ils s’illustrent dans des professions liées à la communication, à la politique, à la religion ou au développement personnel, il s’agit surtout de préparer les citoyens de demain au monde qui sera le leur et dont, nous le savons, le bullshit sera le pivot.
Les études le disent clairement : les emplois de l’avenir sont les "bullshit jobs", des emplois sans finalité, sans utilité, sans logique, dont l’unique vertu est souvent de maintenir un certain taux d’emploi salarié dans une économie où la productivité de chacun est trop élevée et où l’on a besoin de consommateurs plus que de travailleurs. Refuser de former les jeunes au bullshit, c’est aussi couper à ces derniers la voie de l’avenir, ni plus ni moins.

C’est pourquoi, au moment où la loi pour l’Ecole de la confiance est en cours de discussion au Parlement, nous lançons un appel pour faire entrer le bullshit à l’école avec une ambition unique : que cette matière permette de redéfinir notre rapport à la connaissance et au progrès.
Bien sûr, il faudra former les enseignants, rédiger des programmes, mais par chance les membres de notre "fondation pour le bullshit à l’école" ont aussi créé une société spécialisée dans le domaine, qui pourra se montrer rapidement opérationnelle pour ce qui est de mettre au point une véritable pédagogie du bullshit.

Par Gérard Erard et René Cottie. Gérard Erard est l’initiateur de la fondation pour le bullshit à l’école et le créateur de la startup bullshitoo. René Cottie est l’homophone d’un ancien président.

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